Pour sa 3e édition des Vitrines de l’insertion, l’association Insertion Valais a organisé le 26 avril dernier à Sierre une matinée-conférence consacrée aux impacts de l’intelligence artificielle (IA) générative sur les compétences et les métiers. Au programme, plusieurs interventions passionnantes axées sur ses enjeux en matière d’enseignement, de formation et d’insertion.
Depuis l’irruption de l’IA générative fin 2022, la plupart d’entre nous s’interrogent : super-pouvoir ou super-dégénérescence ? De fait, elles et ils sont aujourd’hui près de 30% à l’utiliser quotidiennement au travail alors que les directives et les formations au sein des entreprises se déploient au compte-gouttes. Empreinte d’IA générative, l’humanité semble bien empruntée. Qu’en penser ? Faut-il vraiment s’y mettre ? Oui, mais comment ? Comment faire en sorte que les compétences des individus s’arriment aux développements en cours ? Qu’en est-il de l’éthique et notamment de la démocratisation de ces outils ?
Autant de questions qu’ont abordé les quatre experts invités par Insertion Valais vendredi matin, 26 avril dernier, à l’Aula de la HES-SO Valais Wallis de Sierre devant près d’une centaine de participants issus des sphères académique, économique, publique et, bien sûr, de l’insertion.
Giorgio Pauletto, directeur stratégie et innovation des Services industriels de Genève, a planté le décor en rappelant les fondamentaux de l’intelligence artificielle. De son point de vue, si l’IA générative bouscule effectivement les métiers et les organisations, les compétences humaines comme l’adaptabilité ou un esprit critique aiguisé restent essentielles. Face à l’accélération induite par l’IA, il recommande aux employeurs de mettre en place les conditions cadres permettant à leurs ressources humaines de ralentir, de revenir aux sens physiologiques et de réfléchir aux conséquences de nos pratiques professionnelles. Aux SIG par exemple, une salle de méditation a été installée depuis peu.
Richard-Emmanuel Eastes, responsable du Service d’appui au développement académique et professionnel et membre de la taskforce IA de la HES SO, estime impossible de présager des métiers qui viendront à disparaître ou apparaître hormis celui d’opérateur IA. Seule certitude, tous les métiers seront amenés à se transformer : certains d’entre eux seront déclassés, d’autres déplacés, d’autres encore remplacés. Pour évaluer les tâches qui seront les plus substituables par l’IA et comparer IA opérée et humain augmenté, plusieurs critères sont à prendre en compte, notamment : compétence, fiabilité, coûts RH, productivité, authenticité, sensibilité juridique, acceptabilité sociétale.
Elia De Iaco, directeur adjoint de l’ORIF Sion, a élargi le cadre d’analyse en témoignant de projets initiés au sein de son organisation visant à valoriser les nouvelles technologies dans l’apprentissage spécialisé. Ont notamment été développés un simulateur de soudage favorisant l’apprentissage des gestes professionnels ainsi que deux outils de réalité virtuelle, l’un aidant la lecture de plan et la visualisation spatiale, l’autre permettant aux apprentis paysagistes de projeter leur création d’un espace vert. Pour Elia De Iaco, la technologie utilisée importe au final peu ; l’essentiel reste son impact sur l’apprentissage.
Julien Pache, associé d’ethix – laboratoire d’éthique de l’innovation, a questionné les défis éthiques de l’IA générative. Puisqu’il va y avoir remplacement, quelle en sera sa gestion la plus souhaitable ? Quid de la valeur travail ? Restera-t-elle aussi centrale ? Et que ferons-nous du temps gagné ? Cette transition favorisera-t-elle l’essor des semaines de 4 jours ? Par ailleurs, qu’en sera-t-il de la redistribution et du revenu universel ? Face à ces questions, le philosophe des sciences se montre relativement pessimiste, rappelant que l’algorithme à l’œuvre est celui du capitalisme. A ce stade, il importe de prendre en compte le narratif du développement durable qui nous oriente vers un 3e paradigme alliant un environnement de vie aux limites finies, l’importance de faire société et une économie comme huile dans les rouages, non plus une fin en soi. Dans cette équation, les responsables politiques joueront un rôle déterminant.
Une table ronde conclusive animée par Florian Barbey de Radio Chablais a ensuite permis d’approfondir certaines dimensions et donné la parole au public.
Un apéritif dînatoire conçu et servi par les professionnels et participants du CRTO, de l’ORIF Sion et de l’OSEO Valais, a permis de poursuivre les échanges et de nourrir la mise en réseau.
En bref, une édition 2024 de haute tenue, tant sur le fond que sur la forme et un auditoire et un comité satisfaits et rassasiés.
L’impact des transitions sur le travail
Depuis leurs débuts, les Vitrines de l’insertion ambitionnent de créer un espace de transmission, de rencontres et de débats autour de tendances qui impactent durablement nos manières de travailler, de nous insérer, de nous former. En bref, de thématiser l’impact des transitions qui nous traversent :
- en 2022, la transition écologique et l’économie circulaire ;
- en 2023, les mutations du marché du travail et la pénurie de main d’œuvre.
- en 2024, la transition numérique et les impacts de l’intelligence artificielle générative sur les compétences humaines.
Insertion Valais vous donne rendez-vous au printemps 2025 pour la 4e édition des Vitrines de l’insertion qui, sans nul doute, suivra le fil rouge déroulé ces trois dernières années.